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Cendrarmure - Holly Lisle

Copyright (C) Holly Lisle, http://hollylisle.com All rights reserved. Used with the express written permission of the author.

(Copyright (C) Holly Lisle, http://hollylisle.com. Tous droits réservés. Traduit avec la permission écrite de l'auteur.)

Voir l'original ici.

Il était une fois -

C'est à dire qu'il y encore des descendants, alors on ne va pas vous donner de noms.

...une belle jeune fille -

Un mètre quatre-vingt, avec des épaules de forgeron pour avoir passé des heures à trimballer une épée à deux mains – mais belle, hein. Vraiment belle. On va l'appeler Dri.

Qui tomba amoureuse d'un beau prince.

Un jeune prince avare, sournois, déloyal et voleur ; mais il ressemblait à un top modèle et il avait beaucoup de terres – dont le plupart récemment acquis par sa fourberie – et énormément d'argent. Vous pouvez l'appeler Charmant, si vous voulez. Vous serez bien la seule.

Et la partie avec le pantoufle de verre était de la pure invention.

~~*~~

Le prince décida que la maison qu'il avait trouvé était parfaite. Cela faisait des heures qu'il chevauchait à la recherche d'une telle propriété, et il était ravi d'avoir terminé sa quête. La maison qu'il avait découvert était à moitié cachée dans la Forêt Enchantée, donnant sur une clairière où les fleurs chatoyaient sous le soleil ; ses murs de pierre taillée étaient couverts de lierre, et son puits était juste devant, au bout d'un charmant petit chemin aménagé.

Une construction solide, pensa-t-il. Les ramparts miniatures au dessus des murs de pierre avaient des créneaux – trop petits pour cacher des archers, mais c'était joli. Des meutrières décoraient le premier étage – mais elles étaient vitrées, on ne pourrait pas les utiliser. Le mâchicoulis au dessus de l'entrée avaient l'air vrai par contre – comme si de l'intérieur on pourrait, si on le voulait, renverser de l'huile bouillante sur les témoins de jéhova et les vendeurs à domicile. Il approuvait. L'endroit était concept. Il aurait parié que les constructeurs l'avaient vendue à la famille en disant "Imaginez : votre propre petit château."

Un bélier le traverserait en un instant, évidemment ; ce n'était pas un vrai château. Mais ce serait un bel emplacement pour des petites fêtes intimes, et elle pourrait aussi servir de garnison stratégique pour ses soldats en cas d'activité dans le coin... puis, ça étendrait son territoire de quinze lieux vers le sud, dans ce qui était actuellement le royaume de la reine Hilde.

Tout était question d'emplacement – c'était le tout ce qui comptait dans l'acquisition d'une propriété.

Il se tourna vers son valet. "On fait comme d'habitude. Vas-y, vois à qui elle est, puis on verra comment on peut les déloger."

"Que quelqu'un réponde !" La belle-mère de Dri avaient de sacrés poumons.

Dri, occupée à affûter son épée, ne leva pas ses yeux de la pierre.

Mais – "Je suis occupée !" cria Carole, et juste après, Martha hurla "Dri est en bas ! Dri, réponds !"

La cloche sonna encore.

Dri leva les yeux au ciel et posa sa lame avant d'aller voir qui c'était.

Elle trouva un maigrichon tout pâle avec des yeux tristes sur le pas de la porte, son chapeau entre ses mains.

"Votre Prince demande votre aide, Madame. Nos chiens se sont perdus en pourchassant un cerf dans ces bois. Cela fait des jours que nous les cherchons, sans les trouver. Est-ce que vous les auriez vus, ou entendus?"

Elle dévisagea l'homme – il ne la regardait pas dans les yeux lorsqu'il parlait, et elle n'aimait pas sa façon de tordre son chapeau ; en plus, il n'avait pas l'air assez sale ni assez fatigué pour quelqu'un qui cherchait des chiens perdus depuis des jours. Il mentait par rapport aux chiens – elle l'aurait parié. Elle jeta un coup d'oeil au loin, vers le prince sur son beau cheval blanc. Il avait l'air fraîchement lavé et blanchi ; le prince aussi, d'ailleurs.

Pire – bien qu'elle ne suivât pas de près la politique, il lui semblait quand même qu'elle avait une reine, pas un prince. Elle douta que cela ne change sans qu'on le mentionne – et elle douta que le valet eût identifié le prince comme étant le sien par simple erreur.

Ils cherchent leurs chiens, pensa-t-elle. Bien sûr. Mais elle sourit à l'homme devant elle, s'avança dans la cour, et fit la révérence au prince.

Elle se serra les mains et afficha un air timide. Ce prince était à croquer, et les hommes à croquer étaient rares dans cette partie de la forêt. Même des salauds. Elle se mit dans la peau de la demoiselle pure et virginale.

"J'ai bien entendu des chiens, votre majesté," lui dit-elle, "c'était hier soir. Mais je les ai pris pour les chiens de l'enfer qu'on entend si souvent dans ces bois, la nuit."

Elle détourna son regard juste assez longtemps pour qu'il digère ses mots, puis le regarda pour voir sa réaction. Elle remarqua qu'il avait pâli. Il jeta un coup d'oeil nerveux au soleil, qui avait passé son apogée plus tôt et glissait doucement vers l'horizon. "Des chiens de l'enfer?"

Dri cacha son sourire. "Vous les connaissez certainement, seigneur. Ici, c'est la forêt du petit peuple. C'est un lieu étrange même la journée, mais la nuit, je n'y chevaucherai jamais. À part les chiens, il y a aussi les gobelins qui chassent dans l'obscurité, et les fées qui tentent d'égarer les chevaliers. Ceux qui se baladent dans la forêt la nuit ne reviennent que rarement."

Le prince la dévisagea, jeta un oeil au valet par dessus son épaule, puis revint à Dri. "Bien," considéra-t-il, "Comme c'est intéressant. Avez-vous une chambre de libre, pour nous héberger cette nuit?"

"Hélas, mon seigneur," mentit-elle, "cela compromettrait notre vertu, lorsque nos frères reviendront de la chasse, s'ils trouvaient des étrangers dans la maison avec leurs femmes. Pire, lorsqu'ils rentreront, nous n'aurions plus de place pour vos chevaux – et, laissés dehors, je crains que les gobelins ne les mangent avant le jour."

Le sourire du prince s'évanouit à la mention des frères et des gobelins. "Hm, des gobelins? Pourriez-vous me les décrire?"

Cendri réfléchit vite. "Bien sûr, mon seigneur. Enfin, ceux qui les voient ne survivent pas, bien entendu. Tout de même, ils m'ont suivie une fois à travers la forêt, alors je peux vous dire comment les reconnaître. Quand ils vous remarquent, vous sentirez leur regard. Vous ne verrez rien, même si vous cherchez, mais vous saurez qu'ils sont là. Ensuite vous entendrez bouger les feuilles, bien qu'il n'y ait pas de vent. Vous verrez les branches se balancer, et vous saurez qu'ils vous traquent. Lorsqu'ils s'approcheront, vous les entendrez chuchoter, sans pouvoir les comprendre – les gobelins sont fous, ils se parlent tous seuls. Et quand ils se prépareront à l'embuscade, tous les animaux se tairont." Dri frissona. "On ne sait pas ce qui se passe après ça."

Le prince fronça son nez et ses lèvres formèrent une ligne. "Je vois." Il la dévisagea, et elle vit de la curiosité et une émotion plus obscure passer sur son visage. "Comment vivez-vous ici alors, belle demoiselle?"

Dri afficha une mine triste et baissa la tête. "Mon père a fait un pacte avec le seigneur de ces bois pour que sa famille puisse vivre ici en sécurité."

"Un pacte?" Le visage du prince s'illumina. "Peut-être que je pourrais, moi aussi, faire un pacte avec ce seigneur."

Dri acquésça. "Peut-être, mais je ne pense pas que vous le voudriez. Mon père l'a payé de sa vie."

~~*~~

Dri écouta disparaître au loin le martèlement des sabots, puis tourna le dos au puits pour rentrer. Le danger – et elle ne douta pas que ce fut bien un danger – était parti.

Tout près, quelqu'un gloussa doucement et dit "J'aime ta façon de décrire les gobelins. Effroyable. Mais tu sais, le prince ne t'a pas tout à fait crue." La voix était rauque et aiguë.

Dri se retourna vers le puits et dit "Qui est là? Qui a dit ça?"

Encore ce gloussement. "En partant il a dit à son valet, 'On verra au prochain village quelqu'un d'autre sait qu'il y a des gobelins dans la Forêt Enchantée. Je veux cette maison ; je ne veux pas que les superstitions d'une stupide campagnarde m'empêchent de l'avoir.' Mais t'aurais dû voir comme il est parti en trombe quand j'ai commencé à secouer de branches juste derrière lui." Encore le gloussement. "Tu me l'as bien préparé."

Elle était certaine que l'inconnu se chachait dans les rosiers et les clématites à côté de la maison. Elle lui tourna le dos exprès, ramassa le seau pendu à la barre et prit en main l'autre bout de la corde, comme si elle voulait tirer de l'eau. "Évidemment qu'il était méfiant," dit-elle. "Tout le monde sait qu'il n'y a rien d'enchanté dans la Forêt Enchantée. Ce n'est qu'un nom trouvé par les agents immobiliers pour vendre aux imbéciles des terrains boisés au milieu de nul part."

Elle entendit un hoquet.

Elle ajouta, "Même une stupide campagnarde sait qu'il n'y a pas de petit peuple," et elle sourit.

Le visiteur caché hurla. "Comment?!" Sa petite voix aiguë monta d'au moins une octave. "Pas de petit peuple? Rien d'enchanté? Regarde moi et tu me diras s'il n'y pas de petit peuple dans la Forêt Enchantée !"

Une petite créature apparût dans les ombres du crépuscule – sa peau rêche et tannée aurait pu être de l'écorce de vieux chêne, ses yeux brillèrent aussi rouges que son chapeau, et il n'arrivait pas plus haut que son genou. Il s'appuya sur un rosier au bord de la clairière, bras écartés, clairement furieux.

Dri regarda tout autour et à travers lui, puis au delà ; elle feignit la perplexité. "Je ne vois rien du tout."

Il fila plus près, et lorsqu'elle continua à chercher autour et au delà de lui, il s'approcha encore plus. Elle refoula le sourire qui tirait sur les coins de sa bouche.

"Mais t'es aveugle?!" cria la créature, sautillant devant elle. "Paysanne idiote ! Je suis là !"

Dri enfonça le seau sur la tête du bonhomme. "Même une stupide campagnarde sait qu'il n'y a pas de petit peuple," dit-elle doucement, "Mais moi, je ne suis pas stupide."

La créature sous le seau hurla et se débatta ; il griffa les mains de Dri de ses ongles pointus, mais elle s'accrocha. Il se transforma en chat noir énorme qui cracha et griffa et mordit ; elle jeta le seau et l'attrappa par la peau du cou. Il devint un serpent, frais et sec, comme du papier entre ses mains, avec des anneaux qui fouettèrent son bras. Elle s'accrocha, grinçant des dents – et il devint un poisson glissant, avec des épines dorsales qui perçaient et lacéraient sa peau. Il se débattit encore et elle faillit lâcher prise, mais elle le piégea dans son tablier et l'enferma dans le tissu – s'accrochant toujours.

"Lâche moi !" glapît-il. Il était de nouveau le tout petit bonhomme qu'elle avait vu au début, bien que cette fois il fut emêlé dans son tablier.

"Non." Elle le saisit fermement à la nuque et le démêla.

"Espèce de gros boeuf affreux," grommela-t-il.

"Avec de bons réflexes," ajouta-t-elle avec un grand sourire.

Il lui lança un regard furieux – d'autant plus impressionnant que ses yeux étaient rouges. "Pourquoi n'as-tu pas peur des serpents?"

"Je n'ai peur de rien," lui dit-elle, et montra ses dents avec un sourire encore plus grand.

Il frissona et détourna son regard. "T'as pas intérêt à me garder, de toute façon. Je n'ai pas d'or," dit-il.

Il mentait. Ils avait tous de l'or – et si elle le voulait, elle pourrait l'obliger à le lui donner. Cependant, elle dit "Ce n'est pas grave. Je n'ai pas besoin de ton or."

Il s'égaya immédiatement. "Tu n'as pas besoin de mon or? Vraiment? Je suppose que tu ne voudrais pas mettre ça par écrit?"

Elle haussa les épaules, sans le lâcher. "Si tu veux."

Un parchemin et une énorme plume apparûrent dans sa main. "C'est merveilleux. Quelle chance !" Il griffona un instant, puis lui présenta le résultat de son travail. "Voici – ça dit 'Je renonce volontairement à tous mes droits à l'or appartenant à Widdershins, maintenant et à perpétuité, à la fois pour moi-même et pour tous mes héritiers et légataires.' Mets ton nom là – où ta marque, si tu ne sais pas écrire."

Elle lui fit un clin d'oeil et dit "Je sais lire et écrire... Widdershins." Elle gloussa devant le nom. "Mais il n'y a pas la deuxième partie de l'accord, alors je ne peux pas le signer."

"La deuxième partie?" Il fronça les sourcils, et fit non de la tête. "Tout est là."

"Non. Ça ne dit pas ce que tu vas faire pour moi, en échange de ma rénonciation à l'or auquel j'ai droit."

Il la fixa, consterné.

"Tu n'a sûrement pas cru que je laissais ce bol de lait chaque soir – avec la crème, en plus – juste pour t'inviter à rester? Ni que je me suis embêtée à t'attrapper juste pour le plaisir de ta compagnie? N'est-ce pas?"

"J'avais espéré."

"On dirait, oui."

"Tu as laissé ce lait pour moi? Rien que pour moi? Je pensais que c'était pour tes chats."

"Nous n'avons pas de chats. Je le mettais pour toi, tous les soirs."

"Ah. Eh bien... merci. C'était très bon. J'aime particulièrement le lait – et la crème était délicieuse." Il soupira. "Alors que veux-tu, si ce n'est pas mon or?"

"Que tu n'as pas de toute façon."

"Euh, ouais."

Cendri s'assit sur l'herbe et tint Widdershins fermement sur ses genoux pour éviter qu'il ne s'échappe. Sa peau fraîche, sèche comme l'écorce, gratta ses mains ; son odeur puissant de feuilles moisies l'enveloppa. "Lorsque ma mère est morte, mon père et moi nous en sommes bien sortis pendant un temps. Ma mère me manquait, mais mon père m'aimait. La moitié du temps il me traitait comme sa fille chérie, et l'autre moitié, comme le fils qu'il aurait toujours voulu avoir."

"Je ne pensais pas que tu avais des frères," l'interrompit Widdershins.

"Bien sûr que non. Mais tu ne crois tout de même pas que je vais dire ça à un prince haptigan pilleur-de-terres, si?"

"Ah. J'imagine que non."

"Bref," dit El, retournant à son histoire, "un jour, papa a ramené à la maison Georgia et ses deux filles, et il n'avait plus le temps de m'apprendre à chevaucher ou à me battre. Il était trop occupé à travailler pour que sa nouvelle femme puisse dépenser l'argent qu'il gagnait. Et depuis la mort de papa, les choses ne sont plus pareilles. Je veux que mon histoire finisse en "heureux pour toujours", tu vois – et je ne pense pas qu'elle finira bien ici, avec elles. On ne s'entend pas très bien."

"Eh bien – c'est dommage," dit Widdershins. "Mais je ne vois pas ce que je pourrais faire pour améliorer les choses."

"J'ai besoin d'une marraine-fée," dit El.

"Comment?!" hurla la petite créature. "Pardon, tu m'excuses – tu as peut-être remarqué que pour ça il me faudrait un changement de sexe... et je n'ai pas l'intention de – pour aucune raison. J'aime toutes mes parties... là... où elles sont. Alors l'idée de la marraine-fée, c'est non, hein. T'as compris? Non."

Dri haussa les épaules. "Alors mon parrain-fée."

"Ah bon?" Il railla et croisa les bras sur son torse. "Et quelles seraient les devoirs d'un parrain-fée, dis moi?"

"Tu devras m'aider à attrapper un prince – et à le garder. Je suis strictement pour le mariage – pas de cohabitation pour moi – et ça ne m'intéresse absolument pas de devenir concubine."

"Un prince? Tu veux un prince? Comme ce vaurien hypocrite qui veut voler tes terres? C'est un prince comme ça que tu veux?"

"Je n'en demande pas tant. D'ailleurs, il ferait très bien l'affaire," dit Dri. "À ma façon, évidemment. Sa façon à lui, je n'en veux pas."

"Oui," répondit Widdershins au bout d'un moment. "Je vois ce que tu veux dire par 'ta façon'."

"On a un accord?"

Widdershins fixa l'horizon. "Un accord... et ce serait terminé lorsque t'auras épousé ce prince?"

"Je me suis dit que, peut-être, tu voudrais rester à mon service – contre une cruche entière de lait à la crème tous les soirs, disons, et le droit de vivre au château pour toi et tes enfants. En échange, tu pourrais devenir ma chance. Je pense qu'un accord à long terme aurait des avantage pour nous deux."

"Du lait -" il soupira encore, fermant les yeux. "Une de ces grosses cruches en métal, avec deux poingées? Grand – comme ci?" Il leva un bras au dessus de sa tête.

"Juste ciel !" Dit Dri. "Un pichet? Il me faudrait une bonne douzaine de vaches pour remplir un de ces trucs. Pour autant de lait, je devrais t'exiger un rapport quotidien de tout ce que tu auras entendu au château – et quelques services en plus, sous commun accord."

Le bonhomme la dévisagea, les yeux plissés. "Ton père, que faisait-il exactement?"

Le sourire de Dri était jubilant. "Il était avocat."

"Evidemment."

~~*~~

Alors ils signèrent leur pacte, et Dri et Widdershins se mirent au travail pour implémenter le plan.

C'était pas trop tôt, car une semaine après la visite du prince, le postier leur laissa une invitation dorée dans une jolie enveloppe faite-main.

Carole l'ouvrit au petit déjeuner. "Ah ! C'est incroyable !" murmura-t-elle lorsqu'elle en vit le contenu. Elle le passa à Martha, dont les yeux s'agrandirent en lisant. À son tour, elle le passa à sa mère.

Georgia lut la carte avec un sourire radieux, puis soupira et le passa à Dri. "Tu devrais au moins penser à y aller," dit-elle. "Ce serait une excellente opportunité pour toi de voir autre chose que des cheveaux et des épées, et de faire une activité digne d'une jeune demoiselle, pour une fois."

Dri parcourut la carte.

"Par ordre du Roi de Haptigia, qui recherche pour son fils une épouse, il y aura un bal au troisième vendredi de ce mois, de 19h jusqu'à l'aube. La présence de toute votre famille, surtout des filles non-mariées, est demandée – Venez nombreuses. Tenues formelles."

"Il cherche une épouse !" chuchota Carole. Se prenant dans les bras, elle se mit debout et fit une pirouette.

Martha rigola, disant "Oh, Maman – tu imagines – l'un de nous aura peut-être une chance d'épouser un prince !"

"Ce serait merveilleux," dit leur mère. "Je pense que je suis fin prête à déménager en ville. Des magasins à proximité, des gens civilisés, du divertissement... rencontrer un beau veuf, peut-être..." Elle hocha la tête. "Oui. Les filles, vous devez faire de votre mieux pour intéresser ce prince."

"Ca ne vous est pas venues à l'esprit que nous n'avons pas de prince?" Dri demanda. Elle croisa ses bras sur sa poitrine et observa la fin de la danse de ses deux petites belle-soeurs. "Nous avons une reine veuve avec une fille unique, Lucie-la-grosse."

"Princesse Lucie," Georgia corrigea avec une grimace.

"Princesse Lucie-la-grosse," El convena.

"Peut-être que les frontières ont bougé," dit Carole. "Ça arrive parfois."

Dri leva un sourcil. "Ça arrive surtout autour des rois haptigans. Cela fait plus d'un siècle qu'ils étendent leurs frontières."

Georgia leva les yeux au ciel. "Eh bien, même les rois haptigans – ou leurs fils – doivent se marier. Autant qu'ils se marient à notre famille."

Dri regarda tour à tour ses jolies belle-soeurs, petites et brunes, et sentit monter une vieille envie. Carole et Martha ne savaient pas tenir une épée ni chevaucher... ni lire un document juridique, d'ailleurs. Et elles n'en auraient jamais besoin. Les hommes se bousculaient pour protéger et gâter les délicates créatures que c'étaient – mais à la vue de Dri, grande et forte comme une Valkyrie, tout à coup tous les hommes autour étaient trop occupés pour l'aider. "Ne vous faites pas de faux espoirs," dit-elle, l'air menaçant, et disparut dans sa chambre.

~~*~~

"Tu ne viens donc pas, Cendri, ma chère?" Georgia vérifiait son maquillage et le positionnement des baleines de son corset – elle s'était pomponnée autant que ses deux filles.

"Non, désolée. Je pense que je vais huiler l'armure ce papa ce soir – et peut-être aller polir les sabots de Culd'tonnerre."

Martha fit semblant de vomir. Carole leva les yeux au ciel et dit "Ooooh. Je ne pourrais pas contenir mon excitation."

Carole et Martha ajustèrent leur toques et attachèrent leurs jupes à la taille. Personne, pensa Dri gravement, ne devrait avoir une taille de dix-huit pouces. Ses deux belle-soeurs étaient assez fabuleuses pour facilement voler la vedette à la concurrence, si ce bal était ce qu'il prétendait. Dri abandonnait le peu de chance qu'elle avait, et face à ces deux là, c'était bien peu.

Évidemment, Dri pressentit la ruse. Le moment choisi était bien trop incroyable pour que ce soit autre chose. Si elle avait raison, alors elle seule avait une chance d'épouser le prince haptigan.

Ses soeurs et sa mère s'éloignèrent dans la calèche qu'elles avaient loué, et Dri se dirigea vers l'étable.

"Elles sont parties?" Widdershins était posé sur le portail, une grand sourire aux lèvres.

Dri acquiésça.

"Bien. Alors préparons-nous."

Dri acquiesça encore, et déglutît. Elle commença à avoir le trac.

Widdershins l'étudia, les yeux plissés. "Tu changes d'avis? Par mes vieux os, c'est ce que je ferai à ta place."

"Je m'inquiète," Dri admit.

"Tu as raison. Si tu échoues ce soir, tu mourras probablement – mais même si tu l'attrappes, ton prince, à mon sens, tu perds. Je ne vois pas du tout pourquoi tu voudrais le garder."

Dri se mordilla les lèvres et soupira. "Une partie de ma raison est mercenaire et égoïste," admit-elle. "Avec son pouvoir, je pourrais faire ce que je veux. Avec son argent, je pourrais posséder ce que je désir." Elle fixa ses mains dures, les tourna encore et encore. "Je suis fatiguée de travailler dure, et de vivre durement. Je veux tester le luxe."

La créature rit. "Eh bien, c'est pragmatique. Je suis soulagé. J'avais peur que tu commences à cracher poésie et sottises, les yeux embués. Si tout ce que tu cherches, c'est un mariage d'affaires, alors je pense que même avec lui, tu seras 'heureuse pour toujours'."

"C'est une partie de la raison pour laquelle je le veux," dit Dri, et la voix légèrement tranchante. "L'autre partie, malheureusement, c'est que je n'ai été capable de penser à rien ni à personne d'autre depuis que mes yeux se sont posés sur lui. Mon coeur bat comme les ailes du colibri, et quand j'imagine son visage, je me languis de ses lèvres sur ma peau."

"Malheur !" gémit Widdershins, levant les yeux au ciel. "Et juste après ses lèvres sur ta peau, tu sentiras ses dents à ta gorge."

"Cela m'est venu à l'esprit."

"Et pour cause ! Quel dommage que je ne puis te protéger contre toi-même."

Dri regarda le ciel qui s'obscurcissait et redressa ses épaules. Elle inspira profondément. "Eh non, tu ne peux pas. Mais tu peux m'aider à gagner. As-tu présenté mon offre à tes amis?"

Le bonhomme claqua sa langue. "Évidemment – et ils ont promis d'être là à temps. Souviens-toi simplement que si les trahis, ils te feront des choses terribles."

"Je n'en ai pas l'intention." Dri commença à enfiler le rembourrage qu'elle porterait sous l'armure de son père.

~~*~~

"Ceci pourrait intéresser votre majesté," dit le soldat du pont-levis à voix basse. "Je pense que ce sont vos... invitées."

Le prince se mit à la fenêtre secrète, d'où il pouvait voir sans être vu. Des soldats montés avaient arrêté la calèche et demandait une identification.

Un femme d'âge mure – la mère sans doute, encore séduisante d'ailleurs – se pencha et donna une carte au soldat. "Mes filles et moi sommes invitées au bal du prince," dit-elle.

Deux jeunes femmes, brunes aux yeux sombres, firent des sourires charmants aux soldats par la vitre.

Le prince fronça les sourcils. "Ils ne sont pas tous là. Il est censé y avoir des frères – et la jeune fille blonde à qui j'ai parlé, aussi. Demandez où ils sont."

Le soldat s'avança, chuchota quelque chose au gardien du portail, puis attendit.

"Tout le monde?" La mère fit la moue. "Eh bien, non... ma belle-fille, Cendri, est restée à la maison. Elle... ne se sentait pas bien."

"Qu'en est-il de vos fils, ou beaux-fils?"

Le visage de la dame montra son embarras. "Je n'ai pas de fils, ni de beaux-fils. Nous ne sommes que quatre -" son visage s'assombrit et elle se tût. Le prince réalisa qu'elle n'aimait pas admettre que les quatre femmes vivaient seules dans la forêt, sans protection. Il comprenait. Il y avait beaucoup de loups qui s'attaqueraient bien volontiers à une maison pleine de pauvres belles sans défense.

Son sourire s'étira jusqu'aux oreilles.

Bien volontiers, oui.

Il fit sonner une cloche, et le soldat retourna vers le corps de garde.

"Votre majesté?"

"Mettez ces trois là et leur conducteur dans le – ah, dans l'aile est, je suppose. Faites bien en sorte que Père ne les voit pas. J'irai tôt ou tard leur expliquer la situation. D'abord je dois dire à mes hommes qu'il y a toujours quelqu'un dans cette maison, et que je veux qu'ils la ramènent ici."

Son sourire s'évanouit lorsqu'il se retourna, cependant. Il se rendit soudain compte que la fille à qui il avait parlé avait mentionné ses frères avec une grande confiance. Elle lui avait regardé dans les yeux en parlant, et n'avait ni rougi, ni tressailli. Soit c'était une superbe menteuse, soit ces gens avaient compris son plan, les frères attendaient à la maison, et ses soldats allaient droit dans un piège.

Il considéra les possibilités.

Il était quasiment certain que la fille mentait – probablement pour protéger sa vertu. Quatre femmes seules avec personne pour les protéger... deux hommes inconnus. Ah, il voyait maintenant. La pauvre fille avait sans doute eu peur qu'il veuille exécuter son droit du seigneur, et avait espéré l'éloigner. Il se s'amusa de l'inconsistence délicieuse mais typique d'une femme qui ment pour protéger sa vertu.

Il avait planifié de rester au chateau pendant que ses hommes prenaient la maison. Mais cette douce jeune fille attendait... chez elle, sans doute au lit, les couvertures remontées jusqu'au menton. Malade, selon la mère.

Toute seule, sans frères et sans "gobelins" pour la protéger – sans défense.

Mais alors, qu'est-ce qui nous a suivis en partant? S'inquiéta sa voix intérieure.

Il l'écouta juste assez longtemps pour prendre quelques hommes en plus, puis rationalisa sa décision en se disant que les soldats seraient utiles si jamais les frères n'étaient pas aussi hypothétiques qu'il l'avait cru.

L'idée de prendre possession de sa nouvelle propriété en personne lui plaisait.

Il se dirigea vers l'étable, où ses hommes attendaient.

~~*~~

Dri regarda, consternée, l'armure de son père. "Elle est pareille qu'avant !"

Elle était surtout lourde et mal-taillée. Son père ne l'avait jamais vraiment portée – il l'avait hérité de son père à lui, qui apparemment avait été petit et trapu... avec une grosse tête. L'haubert à manches longues pendait et s'entassait sous ses bras ; elle nageait dans la capuche en cotte de mailles, qui exposait son cou aux coups tranchants ; et le heaume lui couvrait tellement bien les yeux qu'elle avait dû l'enlever. Bien qu'elle puisse mettre les deux jambes dans l'une des chausses, le l'armure en mailles n'arrivait pas plus haut que ses genoux. Elle tenta de les imaginer sur son grand-père, et grogna, "Dieu du ciel, grand-père était-il un nain?" Les chausses ne lui faisaient pas du bien, mais Widdershins avait insisté pour qu'elle les porte. Elle avait dû les faire tenir avec des morceaux de ficelle, parce que les lanières de cuire prévues à cet effet s'arrêtaient bien avant sa taille.

Et maintenant Widdershins, debout devant elle, jura sur une longue liste de Petits Dieux qu'il l'avait transformée en grande guerrière – alors qu'elle voyait très bien que c'était faux. Elle ressemblait à une grande fille dans l'armure d'un grand-père petit et gros.

Elle ne pouvait plus attendre le succès de son premier plan ; il comptait lourdement sur la magie du petit peuple et un peu sur la tromperie. Si elle avait raison et que le prince complotait contre elle, Dri allait probablement finir au milieu d'une vraie bataille. Elle se demanda si le petit peuple savait utiliser des épées.

Une fée ailée pas plus grande qu'une souris arriva en vitesse et plana devant le visage de Dri. Elle brilla doucement dans l'obscurité – l'éclat scintillante d'ailes noires. Elle sentait le souci, avec une trace de verdure d'été ; elle flotta dans l'air devant son visage, ses ailes battantes sans créer la moindre brise. Ses yeux rouges brillèrent dans les siens, et ses dents pointues luirent. Si Dri ne l'avait pas d'abord vu de jour, elle l'aurait trouvée effrayante.

"Ils arrivent," lui dit la fée.

"Tu es certaine?"

Elle confirma. "Des hommes en armure sur des chevaux – un quinzaine, venant du nord."

"J'avais donc raison." Dri sentit un tout petit frisson de satisfaction, enterré immédiatement sous la peur.

Une autre fée arriva, criant "Ils arrivent !"

"Oui, on le sait," dit Dri.

"Tu le sais?"

Dri acquiesça, mais Widdershins l'interromput. "Gringalet attendait dans une autre partie de la forêt, Dri. Gringalet, qu'as-tu vu?"

La deuxième fée dit, "Des hommes, une vingtaine, venant du sud-est."

"Ah !" Dri regarda les deux fées tour à tour, les yeux ronds. "Presque quarante hommes. C'est beaucoup."

Elle lança un coup d'oeil à Widdershins, qui haussa des épaules. "Fallait s'y attendre."

"Avons nous assez de monde pour les battre?"

"Les battre? Il n'était jamais question de les battre, ma p'tite dame."

"Mais il le faudra – les battre jusqu'à terre et les capturer. Mon plan ne marchera jamais, j'ai l'air ridicule !"

"Pour toi, et," le début de sourire était parti en un instant, "pour le petit peuple, peut-être – mais pas pour ceux que vous devez convaincre. Il va falloir me faire confiance ; nous faire confiance à tous."

Dri secoua la tête, mais monta à cheval. Devant l'étable elle entendait les doux murmures et les sinistres plaintes de son avant-garde. "J'espère que j'y arriverais," se dit-elle. Elle se demanda à quel point le petit peuple prendrait au sérieux sa signature gribouillée sur un morceau de papier, et s'ils considéreraient que ce qu'elle avait promis en échange de leur aide serait suffisant.

~~*~~

Il se passait bien quelque chose.

Le prince, voyageant avec les soldats qui se glissaient dans la nuit vers la maison sur le chemin principal, venait de décider que les histoires de la blonde sur les gobelins avaient été, comme pour les frères, inventées pour lui faire peur. Ils étaient arrivés à portée de flèche de la maison, et rien d'anormal ne s'était passé.

Puis le vent cessa, et les bruits nocturnes avec. Dans le noir et le silence, il entendit le bruissement des feuilles, puis quelque chose hurla. Ses hommes s'arrêtèrent et sortirent leurs armes. Sans le grincement des selles et le cliquetis des armures, il entendit autre chose – un murmure bas et incompréhensible.

"C'était quoi, ça?" se demandaient les soldats à voix basse.

"Rien," dit le prince. "Des chiens. Et les feuilles dans les arbres. Avancez." Il n'avait pas répété l'histoire que la fille lui avait raconté sur la forêt – il ne voulait pas que l'on remette en question ses ordres.

Les hommes s'avancèrent, mais son capitaine l'attendit assez longtemps pour dire, "Je crois avoir entendu des hommes dans les buissons plus loin. Cce bruit ressemblait à des murmures, à mon avis, pas à des feuilles. Je crains que nous allons à l'embuscade."

Le prince grimaça. "Nous allons vers une maison avec une seule fille malade."

"Alors pourquoi emmener tous ces hommes?"

"Parce que je veux la convaincre que j'ai sa mère et ses soeurs en hotage, et qu'elle veut me donner ses terres. Je ne veux pas qu'elle tente de-"

Il s'arrêta à mi-phrase lorsqu'il remarqua plusieurs paires de lumières rouges autour de lui et ses soldats, juste au dessus de leurs têtes. Il les montra du doigt au capitaine. "Vous voyez ça?"

"Oui." Le capitaine n'avait pas l'air très enthousiaste. En fait, sa voix avait monté d'une octave, rajoutant un tout petit tremblement à la fin du mot.

"Et... tu sais ce que c'est?"

"Non."

Elles s'approchèrent, ces sphères flottantes – et le prince eu un moment de panique lorsqu'il se rendit compte que le plus bas d'entre elles était à facilement trois mètres au dessus du sol. Il crut voir des formes massives et poilues attachées à ces yeux. "Des gobelins," souffla-t-il.

Ses hommes se serrèrent autour de lui, chevauchant lentement et tout près. Il frisonna lorsque que quelque chose de chaud et humide lècha sa nuque. Il se retourna vivement dans sa selle, mais il n'y avait rien – sauf que quelque chose respira de l'air chaude et puante dans son oreille et de moqua d'un rire horriblement doux.

C'est alors qu'ils entendirent les hurlements. C'étaient ses hommes qui criaient – ceux de l'autre groupe à qui il avait donné l'ordre d'encercler l'arrière de la maison pour couper toute tentative de fuite. Le prince tira son épée, mais ne réussit qu'à frapper l'un de ses hommes, qui hurla aussi.

Les soldats devant crièrent, et se retournèrent pour fuir ce qui les attendait.

"Avancez !" cria le prince. "Avancez. Battez-vous !"

Les hommes se figèrent – puis commencèrent à montrer du doigt et criant l'endroit d'où ils étaient venus.

Le ventre du prince se noua, et il se retourna pour trouver devant lui des yeux rouges de la taille deux de pamplemousses, à quelques centimètres des siens. Et quelque chose de chaud et humide lècha encore sa nuque. "Miam. Goûteux," chuchota la voix dans son oreille.

Le prince, hurlant, éperonna son cheval, faisant voler hommes et chevaux, et galopa jusqu'à la clairière devant la maison, puis tira tellement fort sur les reines que son cheval se cabra et il faillit tomber. Heureusement que non, car ses hommes, le suivant dans leur panique, l'auraient surement piétiné.

Ses yeux devinrent ronds, sa machoir pendait, son coeur battait dans sa gorge. Dans un cercle, la lune illuminait un groupe de monstres poilus si terribles qu'il eût envie de s'arracher les yeux pour ne plus jamais les revoir – sauf qu'au milieu de ces monstres, montée sur un cheval blanc radieux, une créature brillante d'une beauté incroyable les attendait. Ses cheveux, clairs comme des rayons de lune, ondulèrent autour de son visage. Son armure, tout en or modelé à la main, brilla comme sous le soleil de midi. Son visage était parfait, d'une beauté déchirante, et terriblement féroce. Il la connaissait. Il l'avait rencontrée sous la lumière du jour dans cette clairière, et il l'avait prise pour quelque chose qu'elle n'était pas. Maintenant, il la voyait dans son élément. Les hommes du deuxième groupe se recroquevillèrent devant elle, à genoux, le front sur l'herbe. Seul une vraie femme pouvait faire ramper dans la terre des guerriers armés. Ah, c'était bien une vraie femme – grande, fière et dangereuse. Elle dégaina son épée en un mouvement fluide, la leva au dessus de sa tête d'une seule main, et il tomba éperduement amoureux. Tout en glissant de se selle pour se prosterner devant elle, il se demanda si elle savait manier le fouet aussi.

Je donnerais tout pour de découvrir, pensa-t-il.

~~*~~

ça marchait ! Dri regarda le prince mettre un genou à terre devant elle. Son expression était un mélange de révérence et peur – donc les illusions du petit peuple tenaient. Elle se demandait ce que voyaient ses hommes – et était presque soulagée de ne pas se voir comme ils la voyaient. Ils avaient l'air si effrayés !

Elle ne vit toujours rien qu'une ligne de fées flottant au dessus d'elle et de chaque coté, et une autre derrière le prince, formant un mur bien inconsistent.

Elle voulait conclure son accord, mais ne savait pas si le prince avait assez peur encore. Dri réfléchit aux passes spéciales que son père lui avait appris à l'épée, certains de faire supplier l'adversaire le plus féroce.

Elle commença à lancer son épée d'une main à l'autre, l'attrappant aisément – les fameux Coups Alternés de la Mort Volante. Elle les maîtrisait parfaitement. Puis elle fit tournoyer son épée au dessus des oreilles de son cheval – les Boucles du Trépas.

Exécutées parfaitement, comme toujours. Elle vit les yeux du prince s'agrandir en la regardant, et elle se prépara pour les Cercles Sifflants à Deux Mains, lorsqu'une voix irritée brisa sa concentration.

"Mais qu'est-ce que tu fais ?!" dit sèchement Widdershins. Il chevauchait derrière elle, ses petites griffes accrochées à sa ceinture.

"Les Coups Alternés de la Mort Volante." répliqua-t-elle tout aussi sèchement. "Puis les Boucles du Trépas. Si tu ne m'avais pas interrompu, j'allais faire les Cercles Sifflants à Deux Mains."

"Les quoi?"

"Cercles Sifflants à Deux Mains," chuchota-t-elle, impatiente. "Ce sont les coups les plus prisés d'un maître épéiste. Effet terrifiant garanti, même contre les meilleurs adversaires."

"Qui penseront qu'ils se battent contre un fou," dit la petite créature. "Je leur ai donné une nouvelle illusion. Maintenant ils pensent que tu faisaient des passes mystiques ou un truc du genre."

Dri en était restée au commentaire sur les fous. "Comment oses-tu dire ça ?! Mon père m'a appris ces coups !"

"Ton père... l'avocat?"

"Bah... oui."

"Quand tu as dit que tu étais un maître épéiste, je t'ai prise au mot. Contre qui t'es-tu battue?"

"Contre mon père... enfin, quand j'étais petite. Depuis, je m'entraîne sur le tas de bois et avec un sac d'entraînement."

"Malheur," dit Widdershins avec un profond soupir. "Heureusement que tu n'auras pas à te servir de cette lame ce soir. Je veux que tu suives mes conseils un instant. Tiens ton épée au dessus de ta tête – d'une ou deux mains, peu importe, c'est comme tu préfères. Ça fait dramatique et impressionnant dans tous les cas, surtout que ces soldats voient une épée brillante et magique. Aucun coup de maître, s'il te plaît. Concentre-toi pour garder ton air féroce et fière, fais ton petit discours, et on devrait encore pouvoir s'en sortir."

Dri se mordilla les lèvres et hocha la tête. Plus de Coups Alternés de la Mort Volante... plus de Boucles du Trépas... plus de Cercles Sifflants à Deux Mains.

Dri n'aimait pas entendre ça. Mais elle connaissait la valeur du conseil. Son père lui avait toujours dit, "Ne prends jamais de conseil de quelqu'un sans qu'il soit payé pour t'en donner, et n'ignore jamais le conseil de ceux que tu payes." Elle payait – ou avait l'intention de payer – pas mal à Widdershins si elle gagnait ce qu'elle voulait.

Alors elle tint son épée haut au dessus sa tête – d'une main – et garda l'air noble, puis inspira un grand coup. "Ecoute moi, Ô Prince," dit-elle, et l'écho de sa voix l'impressionna. Sans doute la proximité du puits, se dit-elle. Le prince leva les yeux. "Voici ce que j'exige, si toi et tes hommes veulent repartir de ma forêt vivants."

~~*~~

à son grand étonnement, et celui de tout le monde, tout se passa bien.

Cendri emménagea dans le chateau du prince haptigan, et installa sa belle-mère et ses belle-soeurs dans l'aile est. Le chateau était si grand qu'elle les voyait rarement, du coup elles ne la rendirent pas folle. Son mari, le prince, se calma – on en reparlera dans un instant – et, à sa demande, ajouta une laiterie à l'établissement, même si pour des raisons qu'il ne comprenait jamais, il en tira moins de lait que tous les autres laitiers du royaume. Il n'avait plus de secrets non plus – sa femme savant exactement ce qu'il voulait faire à l'instant où il eut l'idée. De temps en temps, il crut voir quelques yeux rouges brillant autour du chateau, mais n'osa jamais demander. D'une part, Dri n'était pas le genre de femme à presser lorsqu'elle ne voulait pas parler de quelque chose.

D'autre part, elle savait comment manier le fouet.

Les Cercles Sifflants à Deux Mains étaient le coup préféré du prince.

Widdershins et ses amis aimèrent beaucoup leur nouvelle demeure.

Alors.

Il était une fois, il belle jeune fille qui tomba amoureuse d'un beau prince. Et la partie avec le chausson de verre était de la pure invention.

Mais pas "l'heureux pour toujours".

Fin.

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